Covid-19 : non, le vaccin Pfizer ne peut pas s’intégrer dans notre génome

Une récente étude prétend que les vaccins à ARN contre le Covid-19 pourraient former une copie sous forme d’ADN dans les cellules du foie. Mais de nombreux spécialistes alertent sur les « fake news » autour de ces travaux. Décryptage.

vaccin

Le vaccin Pfizer BioNTech utilise la technologie de l’ARNm.

Amaury Cornu / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Une récente étude suédoise publiée dans la revue Current issues of molecular biology affirme être la première étude à présenter « des preuves de l’entrée rapide de BNT162b2 dans les cellules et de la transcription inverse intracellulaire ultérieure de l’ARNm de BNT162b2 en ADN. » En clair : le vaccin contre le Covid-19 élaboré par Pfizer aurait la capacité à inscrire une copie de son ARN dans une cellule. D’une part, cela ne signifie pas que le vaccin peut s’intégrer à notre génome. Et d’autre part, l’étude a été largement décriée pour son absence de validité scientifique. Explications.

Ce que veut démontrer l’étude

Chaque étude scientifique doit, au préalable, préciser ce qu’elle cherche à démontrer. Cette information figure toujours à la fin de l’introduction. Ici, les auteurs expliquent « vouloir examiner les effets de BNT162b2 [le vaccin Pfizer] sur une lignée de cellules de foie humain et voir si BNT162b2 peut être rétrotranscrit dans l’ADN. » Cela signifie qu’ils essayent de voir si le vaccin peut s’inscrire dans les gènes de l’ADN de foie humain. « Ils disent essayer de voir si une copie peut se former sous forme d’ADN. Attention, ce n’est pas la même chose que d’être intégré à l’ADN« , explique la Dr Nathalie Grandvaux, directrice du laboratoire de recherche sur les interactions hôte/virus au centre de Recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. La présence d’une copie ne signifie pas que le génome serait modifié, puisqu’il faudrait d’abord qu’elle survive à travers le temps et qu’elle s’intègre à l’ADN. Or, ce n’est pas ce que recherche cette étude et elle ne le démontre donc pas.

Des cellules qui ne ressemblent pas à nos cellules classiques

Comme expliqué dans l’introduction, les auteurs utilisent une lignée de cellules in vitro. Ce modèle de cellules, les Huh7, proviennent d’un carcinome de foie humain, donc de cellules cancéreuses, d’un homme japonais de 57 ans. « Autant ces cellules sont très utiles dans certaines études [comme la recherche sur l’hépatite C ou la dengue, ndlr], autant elles sont problématiques dans cette étude car elles présentent de nombreuses anomalies chromosomiques donc ne sont pas adaptées pour des études génomiques et transcriptomiques« , analyse Nathalie Grandvaux. En effet, ce type de cellules, les Huh7 ne fonctionnent pas comme des cellules « classiques » de l’organisme : leur rythme de réplication de l’ADN est très rapide, ce qui ne les rend pas très adaptées à la recherche sur l’ADN, justement.

Alors pourquoi avoir choisi ces cellules ? Parce qu’elles surexpriment considérablement LINE-1, un élément de l’ADN. « Les LINE sont une partie importante de notre génome, elles sont transcrites en ARNm dans notre noyau, et exportées dans le cytosol (liquide dans la cellule, ndlr) où elles produisent une enzyme qui a une activité de transcriptase inverse et d’endonucléase, ce qui lui permet de faire une copie d’ADN du modèle d’ARNm et de se coller dans le génome« , explique Mathieu Rebeaud, C’est prétendument grâce à ces éléments que l’ARN du vaccin Pfizer serait rétrotranscrit. Mais l’étude comporte de nombreux manquements.

LINE-1 a-t-elle vraiment une action ?

Concrètement, les scientifiques suédois ont utilisé ces cellules cancéreuses de foie in vitro et les ont mises en contact avec de l’ARN du vaccin Pfizer, mais à des quantités qui semblent bien supérieures à ce qui est présent dans le vaccin. « Nous n’avons aucune idée de comment cela se compare à la dose qui parvient au foie chez une personne vaccinée« , commente la Dr Grandvaux. « C’est déjà un très gros biais. Ces concentrations caricaturales en cultures cellulaires ne ressemblent pas à ce qui se passe in vivo. C’est très loin de notre physiologie« , abonde le Dr Nans Florens, néphrologue et post-doctorant en biologie moléculaire au Cincinnati Children’s Hospital Medical Center.

Les auteurs fournissent ensuite des résultats de la PCR pour démontrer que l’ARN s’est transformé en ADN. Or, les auteurs n’ont pas été en mesure de prouver qu’il ne s’agissait pas d’artefacts, de phénomènes ou de signaux artificiels dont l’apparition, liée à la méthode utilisée lors d’une expérience, provoque une erreur d’analyse. Plusieurs anomalies ont été constatées. L’étude affirme que la production de l’ADN provient de l’activité de la protéine LINE-1 et de ses propriétés de transcriptase inverser. « Or on voit bien dans les résultats obtenus que l’augmentation de l’expression des gènes est plus importante dans les groupes de contrôle, c’est-à-dire le groupe qui ne reçoit pas l’ARN », commente le Dr Nans Florens.

Pour vérifier que LINE-1 a bien une action, il faudrait montrer que sans cette enzyme, l’ADN n’est pas retrouvé, puisque c’est elle qui le transcrit. Mais cela n’est pas fait dans l’étude. « Ils prétendent par contre montrer que cette enzyme est augmentée lors du traitement des cellules avec le vaccin. Or ils ne réalisent pas les bonnes analyses et font des conclusions erronées. Selon les études présentées, l’ARNm de LINE-1 est induit pour une seule dose de vaccin et seulement après six heures. Ce résultat est très surprenant car l’induction devrait être dépendante de la dose de vaccin. Cette induction transitoire si elle est véritable ne corrèle pas avec les niveaux d’ARN vaccinal détectés. Donc il est très peu probable qu’il y ait un lien fonctionnel entre ces deux paramètres« , explique Nathalie Grandvaux.

Des résidus retrouvés à la PCR ?

 

D’autre part, les auteurs détectent la protéine LINE-1 par une technique d’immunofluorescence. Or « les résultats ne correspondent pas avec ceux observé par la détection de l’ARNm. Point important, ils prétendent que l’enzyme est dans le noyau mais les images montrent clairement le contraire« , déplore le Dr Grandvaux. Plusieurs observateurs contactés par Sciences et Avenir supposent même que ces images ont été trafiquées. « On dirait que la luminosité du contrôle [les images à gauche dans la colonne Ctrl] est nettement plus basse que sur les autres« , commente Mathieu Rebeaud, doctorant en biochimie des protéines à l’Université de Lausanne. 

« La figure 3 [ci-dessus] est étrange également car le contrôle [la colonne Ctrl] est celle qui à 48h a le plus d’expression de LINE-1. » Aucune explication n’est fournie à ce sujet, ce qui laisse supposer que ce n’est pas le vaccin qui augmente la quantité de LINE-1 mais simplement le temps qui passe.

Alors, à quoi correspondent l’ARN détecté ? Une possibilité serait que l’ARN utilisé dans l’expérience n’a pas été assez purifié. « Dans une préparation, on va avoir dans l’ADN des précurseurs de l’ARN, qui va être lu par des enzymes et qui vont générer l’ARN. Cette préparation est purifiée et transférée dans des nanoparticules pour élaborer le vaccin. On sait que la purification de l’ARN peut ne pas être de 100% et qu’il resterait des résidus d’ADN dans la préparation. Ces résidus seront inoffensifs car ils ne sont pas reconnus. Mais ils peuvent être retrouvés dans les PCR car il est possible d’en amplifier les séquences. C’est peut-être ce qui a eu lieu ici« , suppose Nans Florens. Pour le savoir, il aurait fallu faire une PCR de la préparation vaccinale afin de vérifier si c’est de là que provient l’ADN.

Par ailleurs, les auteurs ne parviennent à détecter qu’un petit fragment de la copie d’ADN. « L’amplicon (fragment d’ADN amplifié par PCR, ndlr) n’inclut pas la totalité de la séquence de l’ARN en question, il ne peut donc pas nous dire ce qui est précisément transcrit de manière inverse en dehors de ce segment« , explique Mathieu Rebeaud.

Pas d’ARN dans le génome

Les observateurs estiment que l’étude a utilisé une lignée cellulaire qui modifie les résultats dans le sens de leurs attentes. « Le modèle est inapproprié, les contrôles nécessaires ne sont pas présents et les données présentées ne permettent pas de soutenir les conclusions faites par les auteurs« , regrette la Dr Nathalie Grandvaux. « Si vraiment on veut montrer que l’ARN injecté est inclus dans le génome, alors la chose à faire est de séquencer le génome et de montrer les nouvelles insertions« , explique le Dr Nans Florens. Mais cela n’est pas démontré dans l’étude. Jusqu’à présent, aucune publication n’a montré que l’ARN du vaccin contre le Covid-19 de Pfizer pouvait s’intégrer dans notre génome. Or, jusqu’à preuve du contraire, impossible de prouver ce qui n’existe pas.

Source: Sciencesetavenir.fr
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