Covid-19 : la dépression favoriserait la croyance aux « fake news » sur le vaccin

Une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’Hôpital général du Massachusetts (Harvard) suggère que les personnes présentant des symptômes dépressifs peuvent être plus vulnérables à la désinformation concernant la vaccination contre le Covid-19.

Hôpital général du Massachusetts

Des chercheurs de l’Hôpital général du Massachusetts révèlent des liens entre symptômes psychologiques et vulnérabilité à la désinformation sur la vaccination contre le Covid-19.

Sipa Press

Par nature, l’Homme aurait tendance à accorder plus de poids aux expériences négatives qu’aux expériences neutres ou positives. Dans le champ de la psychologie, c’est ce qu’on appelle le biais de négativité, un type de biais cognitif (lire l’encadré ci-dessous). D’après des chercheurs de l’Hôpital général du Massachusetts (Etats-Unis), « un biais général en faveur de la négativité » augmenterait les chances d’être exposé à de la désinformation. Une donnée importante à l’heure ou – par exemple – des craintes infondées sur la fertilité nuisent à la campagne de vaccination américaine contre le Covid-19. Comme les symptômes de la dépression sont reconnus comme pouvant intensifier ce type de biais cognitif et que le contexte de la pandémie de Covid-19 n’a pas été sans effets sur leurs survenues, ces mêmes chercheurs se sont posés une question intéressante : de tels symptômes dépressifs ne seraient-ils pas associés à une plus grande réceptivité à la désinformation, notamment au sujet de la santé ? Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue médicale JAMA Network Open.

Le biais cognitif

Un biais cognitif est un réflexe de pensée faussement logique, inconscient, et systématique. Ancré au fin fond de notre cerveau, il tord la réalité en l’analysant avec des raisonnements irrationnels et illogiques. A l’origine, ce sont deux psychologues israéliens, Amos Tversky et Daniel Kahneman, qui dans les années 1970 introduisent cette notion dans le cadre de leurs recherches s’inscrivant dans un programme nommé « heuristiques et préjugés ». Un programme inspiré par le principe de rationalité limitée du psychologue Herbert Simon qui met l’accent sur les ressources environnementales limitées dont disposent les humains pour prendre des décisions. Les travaux de recherches des deux psychologues israéliens se sont donc appuyés sur une idée de rationalité limitée, mais avaient l’objectif supplémentaire d’identifier les biais spécifiques attachés au jugement humain et à sa prise de décision.

Quatre « fake news » sur le Covid-19

Les chercheurs ont utilisé les données d’une enquête américaine nommée « COVID States Project » et menée dans 50 Etats américains depuis 2020. Elle demandait à ses 15.464 participants plusieurs informations en lien avec le Covid-19, comme les sources utilisées pour se tenir au courant de la pandémie (médias, réseaux sociaux…) ou encore leur statut vaccinal. Il était également demandé à ses participants de juger l’exactitude de quatre propositions majoritairement répandues sur les réseaux sociaux au printemps 2021 : « les vaccins contre le Covid-19 contiennent des micropuces qui pourraient tracer les personnes vaccinées », « les vaccins contre le Covid-19 peuvent causer de l’infertilité », « les vaccins contre le Covid-19 modifient l’ADN » et « les vaccins contre le Covid-19 contiennent du tissu pulmonaire de fœtus avortés ». 

Deux semaines auparavant, chacun des participants avait également complété un questionnaire sur sa santé mentale. Les chercheurs voulaient ainsi déterminer si la présence de symptômes dépressifs était associée à une plus grande approbation aux « fake news » sur les vaccins contre le Covid-19. Et ce fut le cas : les personnes présentant des symptômes dépressifs (modérés ou plus importants) étaient plus susceptibles d’approuver au moins une des quatre « fake news » énoncées précédemment. Et celles qui ont approuvé ces déclarations étaient deux fois moins susceptibles d’être vaccinées contre le Covid-19. 

Grâce à une enquête ultérieure, réalisée deux mois plus tard et à laquelle des participants de la première enquête ont également répondu, les chercheurs ont pu faire un constat supplémentaire : les personnes présentant des symptômes dépressifs lors de la première enquête étaient deux fois plus susceptibles que les autres d’approuver de nouvelles « fake news » lors de la seconde enquête. Une preuve selon les chercheurs que la désinformation n’est pas un élément qui serait responsable de la dépression.

Une affaire de santé publique

Les auteurs de l’étude insistent sur une chose : ces résultats ne révèlent aucun lien de causalité entre la dépression et la désinformation, mais bien une susceptibilité. Une susceptibilité puisque les symptômes de la dépression sont connus pour accentuer les biais de négativité, et les informations négatives sont généralement plus susceptibles d’être propagées. Ainsi, la dépression « pourrait faciliter la désinformation au niveau individuel », indiquent les chercheurs de l’Hôpital Général du Massachusetts. En continuant les investigations sur le sujet, des causes et non seulement des associations entre dépression et désinformation pourraient être déterminées, ajoutent-ils. Cet éclairage deviendrait alors un avantage en termes de santé publique pour lutter contre les effets de la dépression sur la croyance en des informations de santé erronées.

Source: Sciencesetavenir.fr
laissez un commentaire