COP27 : comment évaluer l’efficacité des actions d’adaptation au changement climatique

Comment les communautés mondiales s’adaptent-elles aux sécheresses, inondations, incendies provoqués par le changement climatique ? Et sur quels financements ? Les chercheurs peinent aujourd’hui à quantifier ces actions d’adaptation ainsi que leur efficacité. Des méthodes commencent à émerger.

Incendie dans l'Etat de Para, en Amazonie brésilienne

Incendie dans l’Etat de Para, en Amazonie brésilienne, le 15 août 2020.

AFP/Archives – CARL DE SOUZA

C’est la logique qui prévaut depuis la signature de la Convention internationale pour la lutte contre le changement climatique (UNFCCC) à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992 : le monde doit d’abord réduire ses gaz à effet de serre qui sont la cause de la hausse des températures avant de traiter les effets qui découlent de la perturbation du climat. Ce bel ordonnancement est aujourd’hui obsolète. Le changement climatique est là. L’été 2022 et son cortège de catastrophes, des vagues de chaleur en Europe aux inondations au Pakistan en passant par les méga-incendies d’Amérique du Nord ont achevé de bousculer la logique. Il est toujours aussi urgent de sortir de l’utilisation des énergies fossiles mais l’adaptation ne peut plus être considérée comme l’étape suivante. A la COP27, les derniers doutes se sont envolés : les financements permettant aux secteurs économiques et agricoles d’affronter les changements et à la protection des biens et personnes doivent être au moins équivalents à ceux consacrés aux énergies renouvelables.

Depuis 2014, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publie tous les ans son « adaptation gap report » qui mesure (comme pour les émissions de gaz à effet de serre depuis 2009) le fossé entre ce qui est fait et ce qu’il faudrait faire. Sa dernière édition publiée le 3 novembre 2022 intitulée « Trop peu, trop lentement » résume bien la situation actuelle. L’humanité court après les catastrophes au lieu de les prévenir. « Le problème, c’est que nous manquons de méthode pour savoir où agir et comment, déplore Antoine Gillod, directeur de l’observatoire Climate Chance qui mesure l’action climatique des collectivités locales. Pour les gaz à effet de serre, nous avons une mesure universelle qui est la molécule de CO2. L’adaptation, c’est une multitude d’actions locales très diverses qui vont de la construction de digues ou d’amélioration de l’habitat aux conversions dans l’agriculture. » Deux exemples. En France, suite à la tempête Xynthia de 2010 qui a affecté les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime, l’Etat français a racheté 1176 habitations trop exposées et donc détruites pour 330 millions d’euros. Pour le seul département de la Charente-Maritime, le rehaussement des digues a coûté 350 millions d’euros. Mais c’est de l’adaptation aussi quand les planteurs de café rwandais constatent les effets du changement climatique sur leurs récoltes et étudient les alternatives à cette culture.

Un accès au financement trop difficile pour une multitude de petits projets pourtant pertinents

Le thermomètre du PNUE vaut donc ce qu’il vaut.

C’est la logique qui prévaut depuis la signature de la Convention internationale pour la lutte contre le changement climatique (UNFCCC) à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992 : le monde doit d’abord réduire ses gaz à effet de serre qui sont la cause de la hausse des températures avant de traiter les effets qui découlent de la perturbation du climat. Ce bel ordonnancement est aujourd’hui obsolète. Le changement climatique est là. L’été 2022 et son cortège de catastrophes, des vagues de chaleur en Europe aux inondations au Pakistan en passant par les méga-incendies d’Amérique du Nord ont achevé de bousculer la logique. Il est toujours aussi urgent de sortir de l’utilisation des énergies fossiles mais l’adaptation ne peut plus être considérée comme l’étape suivante. A la COP27, les derniers doutes se sont envolés : les financements permettant aux secteurs économiques et agricoles d’affronter les changements et à la protection des biens et personnes doivent être au moins équivalents à ceux consacrés aux énergies renouvelables.

Depuis 2014, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publie tous les ans son « adaptation gap report » qui mesure (comme pour les émissions de gaz à effet de serre depuis 2009) le fossé entre ce qui est fait et ce qu’il faudrait faire. Sa dernière édition publiée le 3 novembre 2022 intitulée « Trop peu, trop lentement » résume bien la situation actuelle. L’humanité court après les catastrophes au lieu de les prévenir. « Le problème, c’est que nous manquons de méthode pour savoir où agir et comment, déplore Antoine Gillod, directeur de l’observatoire Climate Chance qui mesure l’action climatique des collectivités locales. Pour les gaz à effet de serre, nous avons une mesure universelle qui est la molécule de CO2. L’adaptation, c’est une multitude d’actions locales très diverses qui vont de la construction de digues ou d’amélioration de l’habitat aux conversions dans l’agriculture. » Deux exemples. En France, suite à la tempête Xynthia de 2010 qui a affecté les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime, l’Etat français a racheté 1176 habitations trop exposées et donc détruites pour 330 millions d’euros. Pour le seul département de la Charente-Maritime, le rehaussement des digues a coûté 350 millions d’euros. Mais c’est de l’adaptation aussi quand les planteurs de café rwandais constatent les effets du changement climatique sur leurs récoltes et étudient les alternatives à cette culture.

Un accès au financement trop difficile pour une multitude de petits projets pourtant pertinents

Le thermomètre du PNUE vaut donc ce qu’il vaut. Il s’appuie sur les données fournies par les États développés qui peuvent financer des infrastructures d’adaptation et par les remontées par les « guichets » ouverts par les États récipiendaires de dons et prêts internationaux dans le cadre de l’Accord de Paris. Les règles internationales imposent en effet que les sommes consacrées à l’adaptation passent par des organismes reconnus qui puissent être contrôlés sur l’affectation finale de l’argent. Le PNUE a ainsi comptabilisé 2600 projets entre 2010 et 2019 empruntant des voies très étroites. Une dizaine de donateurs seulement sont répertoriés, principalement des banques de développement comme la française AFD pour des programmes pesant au moins dix millions d’euros. « C’est la critique récurrente des pays en voie de développement, assure Antoine Gillod. L’accès au financement est trop difficile pour des actions locales pourtant pertinentes car connaissant bien les caractéristiques de la région concernée, son contexte socio-économique et ses besoins ».

Cette approche prudente agrandit le fossé entre les besoins réels et ce qui est versé. Selon les derniers calculs du PNUE, en 2020, 29 milliards d’euros ont été consacrés à 473 projets d’adaptation en direction des pays du Sud. Cela représente 34% des 83 milliards d’euros affectés à l’aide climatique au sud cette année-là, (soit 17 milliards en dessous des promesses faites aux pays en voie de développement en 2015 au moment de l’Accord de Paris). Même si les pays développés atteignaient enfin les 100 milliards promis, on serait encore très loin du compte. Selon le PNUE, les besoins sont de cinq à dix fois supérieurs. Ils sont en effet évalués entre 160 et 340 milliards d’euros par an en 2030 et entre 315 et 565 milliards en 2050.

Pas de mesure de l’efficacité de l’action

Les donateurs procrastinent et se réfugient derrière les incertitudes pesant sur la pertinence des projets. « Il n’y a pas une idée claire du nombre et de la diversité des projets dont on a besoin pour faire face au défi de l’adaptation que ce soit dans les pays développés ou en voie de développement. En conséquence, juger si les 473 projets qui ont démarré dans les pays en voie de développement sont bien pertinents représente un défi », avoue le rapport du PNUE. En conséquence, les financeurs préfèrent se tourner vers les projets d’énergie renouvelable, plus sûrs et plus mesurables. En 2020, les flux globaux des financements climat pour l’ensemble des pays a atteint 632 milliards d’euros. L’adaptation n’a représenté que 7,3% de cette somme. Pourtant, COP après COP, tout le monde affirme qu’il faudrait couper la poire en deux.

Les risques dans les grandes villes du monde Crédit : iclei

Le conseil international pour les initiatives écologiques locales (Iclei) a analysé les risques climatiques de 520 villes à travers le monde à l’horizon 2050 et a ainsi établi une échelle de risques. Les inondations et l’élévation du niveau des mers affectera plus de la moitié des grandes villes, risque premier devant les précipitations extrêmes, les pénuries d’eau et les vagues de chaleur. © Iclei.

Comment sortir de cette méfiance ? Comment connaître précisément la pertinence d’un projet et surtout comment vérifier qu’il tient bien toutes ses promesses ? En construisant des indicateurs, répond Alexandre Magnan, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et corédacteur du « adaptation gap » du PNUE. « Ce que nous proposons, c’est une expertise scientifique de terrain qui utilise partout dans le monde la même approche et répond aux mêmes questions, explique Alexandre Magnan. L’Iddri a construit six étapes : est-ce qu’il y a une connaissance scientifique du risque climatique sur la région étudiée ? Est-ce qu’il existe un plan d’adaptation national et local ? Est-ce que les actions envisagées sont adéquates ? Est-ce qu’il y a des ressources suffisantes en matière de compétences humaines et de finances ? Est-ce que des progrès ont été accomplis dans la réduction du risque ? Est-ce que les évolutions futures sont prises en compte ? » Les experts seraient ainsi amenés à renseigner précisément une grille de lecture donnant lieu à un score de 1 à 4, des réalisations les plus problématiques aux réussites à donner en exemple. « Il est vraisemblable que les politiques menées dans la banlieue de la Rochelle contre les submersions marines obtiendraient un 3 sur 4« , estime Alexandre Magnan.

La plupart des pays ont un plan d’adaptation

Ce Global Adaptation Progress Tracker (GAP-Track) a été testé à l’échelle du Sénégal. Les experts mandatés ont relevé une bonne connaissance des risques climatiques, notamment du risque côtier. Cependant le plan national d’adaptation est déconnecté de plans locaux qui ont à peine débuté. Des actions de réduction du risque côtier ont démarré mais elles se focalisent sur les défenses contre la mer et ne cherche pas à réduire les vulnérabilités, c’est-à-dire à stopper l’urbanisation dans des zones inondables. Les capacités institutionnelles, techniques et financières existent mais elles fonctionnent en silo, et il manque un regard global sur ce qui est fait sur le terrain. Personne ne sait vraiment si le risque côtier diminue et enfin une vision des évolutions du risque à plus long terme manque.

Les travaux de l’Iddri devraient déboucher au printemps sur une publication dans une revue scientifique. Un apport supplémentaire aux études universitaires qui sont menées un peu partout dans le monde pour construire un cadre scientifique à l’adaptation. Il y a urgence tant les effets de la hausse des températures se font sentir. La convention climat se félicite que 84% des 195 États signataires de la Convention climat ont élaboré leur « plan adaptation ». Reste à les faire marcher correctement.

Source: Sciencesetavenir.fr
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